Vertèbres
Roman fantastique de Morgane CAUSSARIEU chez Au Diable Vauvert (2021), 290 pages. Vertèbres est un roman horrifique nous racontant la métamorphose d’un pré-adolescent après son enlèvement, vu par deux personnages de son entourage proche.
Jonathan a disparu. Une femme à barbe l’aurait enlevé dans sa camionnette d’après ses amis. Une semaine plus tard Jonathan est retrouvé amaigri sur une aire d’autoroute mais, est-ce vraiment lui ?
Ils dérivent dans la tiédeur épaisse. Identique.
Ils entendent le sang qui s’écoule, et cette palpitation sourde, ce rythme si puissant. Ce tambour.
Première phrase
Dans ce court roman à deux voix, nous suivons l’histoire étrange qui se déroule à Vieux Boucau suite à l’enlèvement éclair d’un jeune adolescent de 10 ans.
Nous n’avons pas le point de vu de Jonathan car il est soit enlevé, soit mutique. Mais l’autrice alterne entre deux points de vu.
D’abord à travers les yeux de Sasha, petit garçon trans de 9 ans qui nous relate son quotidien en s’adressant à nous via son journal. Son père est violent et misogyne, son grand frère pas mieux. Et la violence se reflète dans son journal (toute les filles sont des salopes). Le seul amour qu’il reçoit vient de son chien et ses deux amis Jonathan et Brahim. Un trio d’exclus dans cette petite cité balnéaire : un « arabe qui volera le travail de quelqu’un quand il sera grand », une « petite fille qui se prend pour un garçon » et un « gros » tout le temps malade. Ils ont tous les trois la bonne idée d’être, en plus, issus de familles pauvres (et mono parentales pour 2 d’entre eux).
De l’autre côté, nous suivons Marylou, la mère, célibataire, de Jonathan, ultra possessive, jusqu’à l’étouffement. Nous suivons les évènements en entendant ce qu’il se passe dans sa tête et ce n’est pas rassurant. Une voix lui parle à la 2e personne du singulier, lui reprochant ce qu’il s’est passé et la traitant de mauvaise mère.
Morgane Caussarieu instaure une atmosphère de petit village perdu dans les Landes des années 90′. Nous sommes dans l’enfance, ou plutôt au tout début de la pré-adolescence. Et il y a énormément de références à ces années qui émaillent le récit (pas toujours hyper subtilement, j’ai parfois été un peu sortie de ma lecture), nostalgie assurée. Si vous aviez 10 ans en 1997 vous vous y croirez (pogs, Minikeums et Chair de poule au rendez-vous). La transformation est vécue comme une aventure par les enfants, fascinés par la métamorphose de leur ami, « C’est comme dans un Chair de poule » dit Brahim a un moment. Oui…
Mais nous sommes aussi dans une ambiance horrifique et glauque, avec la transformation en loup-garou qui s’amorce petit à petit et qui nous plonge dans l’étrange. Paradoxalement, même si le déroulé du récit se passe sur deux mois à peine, l’autrice prend son temps pour arriver jusqu’au changement complet. L’aspect glauque et violent concerne également le rôle de mère de Marylou, qui semble avoir un petit problème de santé mentale. Elle est prête à tout pour son Jonathan, il reste son fils après tout.
L’autrice aborde donc la sortie de l’enfance, époque de recherche d’identité et de métamorphose. Pas toujours facile quand on est livré à soi même ou dans une famille dysfonctionnelle, confronté aux monstres qui peut se cacher en chaque adulte. Elle nous parle aussi de parentalité, du poids que cela peut être, de toutes ces injonctions, surtout pour les mères.
L’écriture de Morgane Caussarieu est organique et l’alternance Shasha/Marylou instaure un bon rythme et une bonne tension, qui nous tient en haleine. Le livre est vite terminé sans qu’on s’en rendent vraiment compte. Il pourra en mettre mal à l’aise plus d’un/e même si ce n’est finalement pas le loup-garou qui est au centre de l’intrigue. La toute fin… c’était parfait « comme dans un Chair de poule » ;)
C’est ma première lecture d’un roman de Morgane Caussarieu et même si ce n’est pas un coup de cœur, je suis vraiment curieuse de lire ses romans de vampires (Je suis ton ombre notamment).
Vous pouvez retrouvez les avis de CélineDanae, Yuyine
J’ai adoré! L’effet nostalgie a aussi contribué mais le roman, en tant que tel, est très bien construit avec son alternance de styles et son opposition « insouciance de l’enfance/dysfonctionnalité de l’adulte). Un vrai plaisir pour Halloween.